Extraits de L'Humanité Dimanche du 7 au 13 avril 2011




Conseils généraux: de qui les élus du peuple sont-ils les représentants ?

Après les cantonales POLITIQUE / FRANCE


Faut-il y voir une des raisons de l'abstention record (environ 55%) qui a frappé les dernières cantonales? Toujours est-il que 31 % des conseillers généraux sont des cadres supérieurs et moins de 1 % sont des ouvriers. Quant aux femmes, elles représentent moins de 14 % des nouveaux conseillers élus...


Les urnes traduisent concrètement la confiscation de la démocratie par une « élite » et l'éviction des responsabilités électorales locales des représentants des ouvriers et des salariés (lire le tableau). Les élus locaux issus des cadres et professions intellectuelles supérieures sont nettement surreprésentés, comparés à leur proportion dans la population. Ils ne représentent que 8, 4 % des 15 ans et plus mais 35, 6 % des conseillers régionaux et 31, 4 % des conseillers généraux. Les agriculteurs exploitants représentent 1,1 % de la population mais 15,6 % des maires, en raison du nombre très important de communes rurales. À l'opposé, les personnes qui n'ont pas d'activité professionnelle (14 % de la population) et les ouvriers (13,2 %) sont mal représentés dans les instances locales (2 % des maires), comparés au pourcentage qu'ils représentent dans la population. Les professions intermédiaires sont représentées à hauteur de leur pro-portion dans la population (12,8 %): 11 % des maires, 14, 8 % des conseillers généraux, 17, 5 % des conseillers régionaux. Les employés occupent 20, 6 % des sièges de conseillers municipaux et 9. 2 % des maires.

32, 4 % des maires, 26, 5 % des conseillers généraux sont retraités. Ces pourcentages importants correspondent à peu près au pourcentage de cette catégorie parmi la population (30, 4 %). Ils ne renseignent malheureusement en rien sur l'origine sociale : un retraité peut être un ex-ouvrier comme un ancien cadre. Cette proportion s'explique par la forte disponibilité que requiert la fonction d'élu local. Comme pour les députés, un niveau de diplôme élevé et la connaissance des réseaux du pouvoir sont des atouts importants, voire indispensables pour occuper ces fonctions. Pour les salariés du secteur privé, faire de la politique comporte un risque considérable en cas d'échec, ce qui n'est pas le cas pour les fonctionnaires qui peuvent profiter d'une mise en disponibilité, ni des professions libérales qui ont la possibilité de sous-traiter une partie de leurs activités. J. -P. C.


Les élus locaux, longtemps plébiscités par les Français, voient leur cote de confiance s'éroder (maires et conseillers généraux ont perdu 13 et 11 points en un an, selon le CEVIPOF).



Qui sont les conseillers généraux ?

Profession exercée

Conseilleurs généraux

Part dans la population de 15 ans et plus

Ouvrier

0,70%

13,20%

Employé

5,40%

16,80%

Profession intermédiaire (1)

14,80%

12,80%

Cadre supérieur et profession intellectuelle

31,50%

8,30%

Artisan, commerçant et chef d'entreprise

8,30%

3,30%

Agriculteur exploitant

5,30%

1,10%

Retraité

26,50%

30,40%

Autre profession

4,70%

Autre sans activité professionnelle

2,80%

14,10%

Source Ministère de l'intérieur 2008


(1) Deux tiers des membres du groupe occupent effectivement une position intermédiaire entre les cadres et les agents d'exécution, ouvriers ou employés. Les autres sont intermédiaires dans un sens plus figuré. Ils travaillent dans l'enseignement, la santé et le travail social; parmi eux, les instituteurs, les infirmières, les assistantes sociales.



Les élections à la présidence

ZOOM SUR TROIS DEPARTEMENTS


Allier : Confirmation de Jean-Paul Dufrègne (PCF).


Val-de-marne : Réélection de Christian Favier (PCF).


Mayotte : Le 101e département passe à gauche. C'est le candidat divers gauche, Daniel Zaïdani, qui devient président de ce conseil général d'outre-mer (DOM). Le président a été élu dimanche après une tentative de l'UMP mahoraise de confisquer le résultat des urnes dans des manœuvres de débauchage. Cette tentative ayant échoué, les conseillers de droite ont boycotté la

séance d'élection de jeudi dernier afin que le quorum requis ne soit pas atteint. L'absence du représentant de l'État - sans précédent s'agissant d'une séance d'installation d'une assemblée départementale - ne laisse pas beaucoup de doutes sur l'origine de l'opération, organisée depuis Paris. Les festivités pour l'accession de Mayotte au statut de 101e département français, qui devaient rassembler tous les Mahorais, ont été annulées ou reportées sine die.





19 - HD - 7 au 13 avril 2011



Le Journal de l'Emploi

Faut-il être belle pour trouver du travail ?

Des ateliers proposés par Pôle emploi incitent les demandeurs d'emploi à travailler sur leur aspect physique. Si de tels ateliers peuvent être bénéfiques dans un but de renforcer la confiance, la discrimination liée au physique reste très forte, en particulier pour montre par son comportement, sa manière de parler, (... ) de s'habiller, et qui est perçu par le regard des autres », poursuit-elle. Suit un avertissement « À travers la manière dont on va se présenter au recruteur, avant même d'avoir parlé, on dit des choses. » Si le dessin qui figure sur la première page du livret montre une jeune femme qui jette un dernier coup d'œil à la glace avant de sortir, cet atelier n'est pas expressément destiné à un public féminin. Un palier a, depuis, été franchi avec le lancement, en janvier dernier, par Pôle emploi, en partenariat avec la fondation Ereel, de « journées relooking »

mensuelles à destination de chômeuses de longue durée et autres titulaires des minima sociaux. Au programme: soins de peau, manucure, conseil vestimentaire, coiffure et un petit entraînement à la préparation d'un entretien d'embauche. Bien que cette initiative soit annoncée comme devant, à l'automne, s'étendre aux hommes, le choix d'un public féminin est révélateur. « L'apparence physique des femmes est détaillée. Maquillage et habillement sont passés au crible et ce pour n'importe quel poste. Pour les hommes, en revanche, la pression physique est limitée à certaines fonctions Miroir, mon beau miroir, dis-moi si je vais trouver du travail », pourrait demander une héroïne de conte moderne. Et son conseiller de Pôle emploi lui répondrait: « Oui, si tu fais attention à ton image ! » Le service public de l'emploi ne se contente pas, dans ses ateliers, de proposer de travailler son CV, il invite à « communiquer par son image ». « Cet atelier existe depuis la fin des années 1990, son livret a été refait en mars 2010 », explique Sylvette Uzan-Chomat, membre du bureau national du SNU Pôle emploi. « L'image est définie comme ce qu'une personne comme celle de commercial », dénonce la syndicaliste. « Les femmes sont aussi particulièrement touchées par les discriminations liées à l'âge », souligne Sylvette Uzan-Chomat.

Piège. L'enquête réalisée en 2005 par l'Observatoire français de la discrimination, dirigé par Jean-François Amadieu, met, par exemple, en évidence les discriminations qui frappent les personnes obèses. Les candidats en surpoids répondant, en joignant une photo à leur candidature, à la même offre, que des candidats sans surpoids ont deux fois moins de chance de décrocher un entretien d'embauche. Bien que, depuis 2001, cette discrimination soit interdite par la loi, les préjugés ont la vie dure. Ainsi, dans une société où la minceur est reine, la personne obèse est suspectée de laisser-aller, d'absence de volonté. Autant de caractéristiques mentales qui rebutent les recruteurs. Le lien entre apparence physique et aptitudes mentales supposées traverse l'ensemble de la société. Ainsi, de nombreuses études montrent qu'une personne perçue comme belle est parée de nombreuses qualités intellectuelles et relationnelles. Cette beauté peut toutefois se transformer en pièges notamment pour les femmes. En effet, une étude réalisée en mai et juin 2010 par le « Journal of Social Psychology » montre qu'être une très belle femme peut aussi être paradoxalement handicapant lorsque l'on postule à des métiers jugés « très masculins » et pour lesquels la beauté physique n'est pas vue comme un atout. Il s'agit par exemple des postes de directeur de la recherche et du développement, directeur financier, d'ingénierie mécanique ou de chef de chantier.

Laisser-aller. Du côté des chômeurs, et plus encore des chômeuses, les injonctions à améliorer l'apparence physique risquent encore d'augmenter avec la dégradation du service public de l'emploi. « L'absence de formation des agents et l'accroissement de leur malaise peuvent amplifier ce phénomène. L'apparence physique est perçue comme un des indices de laisser-aller mental. Pour des conseillers dans l'impuissance, la tentation est grande de psychologiser, de rendre la personne au chômage responsable de sa situation », explique la syndicaliste. -K


MÉLANIE MERMOZ


La Parole à ...

« Coupler ces ateliers à une valorisation des compétences est indispensable »

Marie-Françoise Raybaud, coordinatrice insertion au Centre d'information sur le droit des femmes et des familles en Gironde.


« Ce type d'initiative peut être intéressant s'il est accompagné d'un travail auprès des demandeuses d'emploi autour de la confiance en soi. La valorisation des compétences est primordiale. Parfois, cette dimension manque. Nous avons été ainsi contactés par une régie de quartier qui souhaitait proposer des ateliers d'esthétique couplés à une démarche d'insertion, mais la deuxième partie était vide. Nous avons donc dû nous retirer du projet. Il faut être vigilant, car ces ateliers cautionnent le fait qu'exercer un métier tiendrait plus à une apparence physique qu'à des compétences et à un savoir-faire. Or les discriminations liées au physique sont particulièrement fortes pour les femmes. »


78 - HD - 7 au 13 avril 2011


En Bref


SANTE AU TRAVAIL

Patrons, ça vous coûte cher de faire travailler vos employés malades! Entreprises et gouvernement ne cessent de dénoncer l'absentéisme. Or une compilation d'études, réalisée par le docteur Philippe Rodet, montre combien aller travailler quand on est malade peut être lourd de conséquences sur sa vie personnelle, mais peut aussi coûter cher à la société. Ainsi, une étude belge de 2010 montre que le coût du présentéisme est bien supérieur à celui de l'absentéisme. « Le présentéisme atteint 61 %des coûts totaux relatifs à la santé dans une entreprise, suivi par les frais médicaux (28%) et l'absentéisme (10%). »


Agenda



Chronique prud'homale

Pas de contrats de travail, ça décime les forêts !

L'émission « 30 Millions d'amis » fait partie des monuments de la télévision française. Pour ses 35 ans, elle s'offre... une lourde condamnation aux prud'hommes. Pro TV, la boîte de production de l'émission animalière de France 3, a été condamnée à verser 150 000 euros d'indemnités à deux anciens salariés. Le tribunal a estimé notamment que les procédures de licenciement (respect du préavis, versement des indemnités) n'avaient pas été respectées. Ce n'est pas la première fois que Reha Hutin se fait épingler pour non-respect du droit du travail. À l'automne 2009, ses salariés lui adressent un courrier pour dénoncer la non-application de a convention collective de la production audiovisuelle, en particulier le barème des salaires. La productrice avance la baisse des budgets alloués à l'émission pour déclarer que le texte est « inapplicable ». Elle promet toutefois une augmentation de 5 % ëes cachets de certains postes et celle if la prise en charge des nuits d'hôtel.

Productrice. Les deux salariés, qui travaillaient depuis de nombreuses années pour Pro TV (plus de 10 ans pour l'un), ont sans doute payé leur implication dans ce conflit. Ces intermittents du spectacle voient leurs piges diminuer (de 14 par mois, elles passent à 5). Ils saisissent le tribunal des prud'hommes pour dénoncer la rupture du contrat de travail. En effet, des pigistes réguliers sont assimilés à des salariés en CDI et un volume de travail doit leur être assuré. Faute de quoi, un licenciement doit leur être proposé. Ce qui n'a pas été fait. La gestion pour le moins fantaisiste du personnel a aussi été pointée du doigt par le tribunal. Il faut dire que les salariés n'ont jamais signé aucun contrat de travail. Une pratique revendiquée par Reha Hutin. Interviewée par « le Parisien » en février 2010, la productrice déclarait ; « C'est vrai, je ne fais pas de contrat de travail à chaque fois. C'est de la paperasserie. Ces contrats déciment les forêts du monde et la planète... » No comment.


Au boulot

Seulement 2190 agents sont chargés de faire respecter les lois dans 1, 8 million d'entreprises.

GERARD FILOCHE, INSPECTEUR DU TRAVAIL


Inspection du travail : pas mieux qu'en 1910 !

Le rapport sur l'activité de l'inspection du travail en France vient de paraître. La direction générale du travail (DGT) y a fusionné les 4 corps de l'inspection (agriculture, mer, transports, travail), un nouveau mode de calcul qui semble faire progresser le nombre d'inspecteurs de 535 en 2008 à 767 en 2009. Mais le chiffre reste aussi bas qu'en 1910 : il y avait alors 110 inspecteurs pour 3 millions de salariés, il n'y en a aujourd'hui que 767 pour 18, 3 millions de salariés. En ajoutant les contrôleurs du travail, seulement 2190 agents sont chargés de faire respecter les lois de la République dans 1, 8million d'entreprises ! Chaque agent doit veiller aux droits de 8 345 salariés, une section d'inspection ayant en moyenne 30000 salariés. Au total, 6, 2 millions de conseils sont donnés au public, il y a 307 500 interventions en entreprises, 6070 arrêts de travaux, 6 797 enquêtes accidents du travail et maladies professionnelles, 25 726 enquêtes licenciement de salariés protégés et 6 352 procédures pénales sont engagées (procès-verbaux). Mais, sur une même année, les trois quarts de ces PV ne donnent pas lieu à des prononcés de peines, et quand cela se produit, c'est a minima: faibles amendes, rares peines de prison; la délinquance patronale est largement impunie. Alors que les patrons ont davantage de responsabilités, le parquet et les juges sont laxistes à leur égard, ce qui affaiblit l'action de l'inspection.

Le Bureau international du travail (BIT), saisi par le SNUTEFE-FSU pour non-respect par l'État français des conventions internationales, a condamné pour la troisième fois la France pour dévoiement de missions des inspecteurs du travail dans des « opérations conjointes » avec la police contre le travail illégal. Les experts du BIT estiment que « l'association des forces de police à l'inspection du travail n'est pas favorable à la relation de confiance nécessaire à la collaboration des employeurs et des travailleurs avec les inspecteurs du travail », et demandent au gouvernement français d'empêcher « que les pouvoirs des inspecteurs d'entrer dans les établissements assujettis à leur contrôle ne soient détournés à l'effet d'opérations conjointes de lutte contre l'immigration illégale ». Sinon « ces opérations aboutissent à un éloignement des travailleurs étrangers hors des frontières de la France, ce qui les prive de facto de tout droit de recours à rencontre de l'employeur en infraction d'emploi illégal ». En pratique, depuis 6 ans, les agents de contrôle refusent collectivement dans des proportions énormes de participer à ces opérations mais les gouvernements successifs de Sarkozy ont toujours tenté d'imposer ce dévoiement.


7 au 13 avril 2011 HD - 79